Il est rare de pouvoir embrasser la globalité d’un parcours artistique en une seule saison culturelle. C’est possible ici, à Grenoble, avec la trilogie “Humain trop Humain” de la compagnie 47•49. Le premier volet, “Outrenoir”, aura lieu à l’Hexagone, à Meylan, le mardi 12 novembre. Le second, “Paradox(al)”, se jouera à La Rampe – Échirolles vendredi 6 décembre en co-accueil avec le TMG – Grenoble. Le troisième, enfin, “Résonance”, jeudi 12 décembre à la MC2: Grenoble. Saluons, au passage, ce bel exemple de collaboration entre quatre des plus beaux équipements de l’agglomération.
Vous vous dites peut-être que réserver d’ores et déjà trois soirées risque d’être compliqué, mais le chorégraphe François Veyrunes, que l’on a interrogé sur le sujet, nous rassure. Si les pièces entretiennent bien des liens entre elles, elles peuvent s’apprécier indépendamment les unes des autres.
Une création collégiale
Ce qui intéresse la compagnie 47•49 depuis toujours, c’est l’humain. La pièce “Outrenoir”, fondée sur les interactions entre cinq danseurs, creuse ce sillon. Et l’on imagine que la collégialité que l’on retrouve à l’œuvre sur le plateau n’est pas sans lien avec celle qui sous-tend le spectacle.
Cette force du langage dansé, plastique et sonore vient notamment de son trio de créateurs. Originellement, il y a le chorégraphe François Veyrunes, associé historiquement à son frère Philippe Veyrunes, qui dote les pièces de la compagnie d’une richesse plastique exceptionnelle depuis la fin des années 1980. Plus récemment, Christel Brink Przygodda, d’abord danseuse dans la compagnie, a rejoint le duo de créateurs. Le désormais trio réfléchit les interactions entre les danseurs, dont le genre tend à s’effacer derrière cette qualité universelle d’être humain aux prises avec ses limites. Lors de figures particulièrement physiques, les hommes et les femmes se font tour à tour porteurs et portés dans une fluidité graphique saisissante.
Du noir à la lumière
Si vous êtes déjà resté figé, comme happé, devant le tableau de Pierre Soulages, sobrement intitulé “Peinture”, 222 x 628 cm, avril 1985, exposé au musée de Grenoble, vous savez que le noir n’est pas une non couleur.
« “Outrenoir” est bien une référence au noir lumière de Pierre Soulages. On fait un parallèle entre l’idée du peintre selon laquelle la lumière viendrait du noir et notre propension à creuser à l’intérieur de nous-même pour trouver une créativité, une lumière singulière. Ce que l’on interroge, c’est notre capacité à répondre à un certain nombre de défis », éclaire François Veyrunes.
En l’occurrence, le défi relevé par les interprètes vient de la gravité terrestre dont ils tentent de s’extraire. Comment déjouer cette force fatale pour s’émanciper ? Derrière ce questionnement métaphysique se joue une danse ultra physique, magique par le graphisme qui se construit par elle et à ses côtés. Fondée sur une réflexion profonde et sensible, cette chorégraphie peut s’apprécier pour elle-même, débarrassée de tout intellectualisme, comme une simple invitation à vivre la danse par empathie, via le corps des interprètes.
L’Hexagone Scène Nationale
24 rue des Aiguinards, Meylan
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