C’est une adresse un peu particulière que nous vous invitons à découvrir aujourd’hui. Suivez-nous dans les collections exceptionnelles du Musée de Grenoble : du 17e au 20e siècle, nous vous proposons un temps de pause devant nos 6 œuvres coups de cœur, au rythme d’une par mois.
Nous souhaitions mettre en lumière, dans cette série, l’œuvre de femmes artistes. Ce quatrième épisode rend hommage à Victoria Dubourg, l’une des peintres les plus intéressantes de la fin du 19e siècle. « Femme de » éclipsée par son célèbre époux Henri Fantin-Latour, elle a pourtant eu une carrière brillante, aujourd’hui oubliée malgré ses succès indiscutables.
Une jeune femme de talent
La vie de Victoria Dubourg est un véritable roman : fille d’un professeur de français, elle grandit à Francfort où elle reçoit une éducation artistique complète. Elle excelle, notamment en dessin, et lors de son retour en France, elle rejoint l’atelier de Fanny Féron, artiste femme.
Elle obtient sa carte de copiste au Louvre et c’est là qu’elle rencontre son futur mari, Henri Fantin-Latour, en 1869, devant Le Mariage de Sainte-Catherine du Corrège – une vraie scène de film romantique ! Elle devient d’abord son modèle – il la peindra 5 fois – puis ils se marient en 1876 avec pour témoin le peintre Manet.
Les portraits de Victoria par Fantin-Latour sont étonnants, à l’image de celui du Musée de Grenoble peint en 1877, un an après leur mariage. Victoria est représentée sobrement, sur un fond neutre. Ses traits sont ceux d’une femme d’âge mûr, alors qu’elle n’a que trente-six ans. Son regard est pensif, l’attitude réservée. Ce n’est pas l’image d’une jeune fille en fleurs, mais celle d’une personne réfléchie et concentrée.
L’amour de la peinture
Victoria et Henri sont le couple star de la peinture française à ce moment-là, leur cercle d’amis se compose des grands noms de l’époque, d’Edgar Degas à Berthe Morisot. Les deux époux s’admirent mutuellement, s’inspirent l’un et l’autre tout en gardant leur propre style.
Deux natures mortes du Musée de Grenoble illustrent parfaitement cette émulation : la Nature morte de 1884 par Victoria et la Nature morte dite de fiançailles de 1869 par Henri. Les deux peintres se spécialisent dans ce genre pictural, mais si le style Fantin-Latour se distingue par son raffinement, celui de son épouse se démarque par sa simplicité.
Le brillant de la bouilloire en cuivre tranche avec la texture du linge, les légumes créent des diagonales qui rythment la toile. C’est un travail sur l’intimité, l’artiste ne cherche pas à éblouir mais à montrer la beauté du quotidien. Si elle ne rompt pas avec la tradition, on peut apercevoir d’ores et déjà l’impressionnisme qui s’annonce dans sa touche fumée, presque fuyante.
La postérité de l’art
L’œuvre de Victoria Dubourg ne s’arrête pas seulement à la nature morte, même si elle est reconnue pour ses nombreux tableaux de fleurs. Elle réalise également des paysages et des portraits, notamment celui sobre et élégant de sa sœur Charlotte que l’on retrouve au Musée de Grenoble.
Victoria ne met pas un terme à sa carrière de peintre après son mariage, bien au contraire, elle continue d’exposer au Salon des Artistes Français jusqu’en 1902 sous son propre nom et non celui d’épouse. Elle expose toute sa vie, de Paris à Londres, de Pau à Toulouse, et même jusqu’à San Francisco en 1915, pendant la Première Guerre Mondiale. Elle reçoit enfin la Légion d’Honneur en 1920, des mains de Léonce Bénédite, conservateur du musée du Luxembourg, alors musée des artistes vivants.
À partir de 1904, elle se consacre à la promotion de l’œuvre de son défunt mari, entre expositions et catalogues. Elle lègue leurs œuvres aux musées français, notamment à celui de Grenoble, créant ainsi un héritage artistique unique pour une femme ne s’étant jamais contenté d’être la « femme de ».
Victoria Dubourg, Paris 1840- Buré dans l’Orne 1926.
Musée de Grenoble
Ouvert tous les jours de 10h à 18h30, sauf le mardi
5 Place Lavalette, 38000 Grenoble – 04.76.63.44.44.
Site – Facebook – Instagram
Une série proposée en collaboration avec le Musée de Grenoble
Amoureuse de ma ville natale, vous pouvez me croiser dans les rues et les musées en tant que guide conférencière, mais aussi l’appareil photo à la main pour ma page insta @grenobletrotter. Mondaine depuis 2012, mes préférences vont aux adresses qui mélangent culture, gastronomie et folie.