C’est une adresse un peu particulière que nous vous invitons à découvrir aujourd’hui. Suivez-nous dans les collections exceptionnelles du Musée de Grenoble : du 17e au 20e siècle, nous vous proposons un temps de pause devant nos 6 œuvres coups de cœur, au rythme d’une par mois.
Au cœur de ce deuxième épisode, venez tourner avec nous autour de Phryné, l’une des statues les plus connues du Musée. Vous l’avez sans doute déjà croisée si vous vous y êtes déjà promené, son marbre lumineux attire immanquablement le regard du visiteur.
Une belle brisée par le temps
L’histoire de la statue est aussi poétique que la jeune femme représentée est belle. Taillée dans une colonne du Parthénon, elle est brisée lors de l’Exposition universelle de Londres en 1851. Si vous observez attentivement, on remarque la jointure de réparation au niveau de la cordelette tenant sa robe dans le dos.
Un autre détail marque le passage du temps sur ce somptueux marbre de Paros. En suivant le drapé du tissu du bas de la robe de Phryné, on aperçoit sur les bandes de frises grecques des traces de couleurs. La robe était certainement dorée à certains endroits, mais le temps et l’humidité ont peu à peu effacé ses dorures. L’impression devait être différente, mais difficile de l’imaginer aujourd’hui tant la blancheur de la statue éblouit son spectateur.
La nudité ou la vie
Au départ nymphe, la statue devient finalement la représentation de la célèbre courtisane Phryné. Reconnue pour son intelligence et sa beauté, elle brille dans l’Athènes du 4e siècle où elle est notamment le modèle des plus grands sculpteurs du temps pour leurs Aphrodite.
Comme de nombreuses figures féminines de l’Histoire, son influence finit par effrayer et on lui intente un procès dont elle sort victorieuse grâce à un stratagème… inattendu ! C’est l’instant de la sculpture : son défenseur Hypéride, dans un geste désespéré pour la sauver de la condamnation à mort, lui arrache sa robe pour révéler la beauté parfaite de son corps.
Le geste est suspendu, comme si c’était Phryné elle-même qui se mettait à nu. En tournant de la droite vers la gauche, on a l’impression de la voir en mouvement, dans une attitude délicate, tout en douceur. On se demande même si elle n’est pas en train de se voiler sa nudité, dans un sursaut de pudeur. On peut voir dans cette représentation un effeuillage pour sauver sa vie, bien loin de l’image sulfureuse que l’on pourrait avoir d’une courtisane aussi légendaire que Phryné.
La beauté antique en héritage
L’auteur de cette œuvre est à son image : célébré comme le « roi des sculpteurs » par Gustave Flaubert, James Pradier est aujourd’hui relativement oublié (ce qui est bien dommage selon nous). Amoureux de l’antique, il connaît une ascension fulgurante et côtoie les grands noms du 19e siècle. Il est même l’amant de Juliette Drouet avant qu’elle le délaisse pour son ami Victor Hugo – un ami en or visiblement…
Le Musée de Grenoble reçoit la statue de Phryné grâce à l’héritage d’un riche banquier voironnais, Jules Monnet-Daiguenoire. Mondain, mécène et voyageur, il lègue au Musée l’une des plus belles pièces de sa collection. En lisant les cartels du Musée, on se rend compte de l’importance de ces legs qui font la richesse de ses galeries. On vous en reparlera dans l’un des prochains épisodes de cette série…
En attendant, on vous laisse dans ce bel espace consacré à la sculpture du 19e siècle, l’une de nos salles préférées du Musée de Grenoble.
Jean-Jacques Pradier, dit James (1790-1852), Phrynée, 1845, marbre, 1,83×0,40×0,47m.
Musée de Grenoble
Ouvert tous les jours de 10h à 18h30, sauf le mardi
5 Place Lavalette, 38000 Grenoble – 04.76.63.44.44.
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Une série proposée en collaboration avec le Musée de Grenoble